Le voyage d’une pierre gemme

« L’éclat et la couleur des pierres fines sont identiques à ce qu’ils étaient il y a des milliers d’années et à ce qu’ils seront dans des milliers d’années. Dans un monde en perpétuelle transformation, c’est une constance qui possède un charme incontestable, apprécié depuis toujours. »

George Frederick Kunz (1856 - 1932), The Curious Lore of Precious Stones

Expression d’un grand discernement, cette citation du célèbre auteur et gemmologue George Frederick Kunz, qui a travaillé pour Tiffany, n’a rien perdu de sa pertinence aujourd’hui. Les pierres fines font résonner profondément en nous nos fibres les plus intimes. Leur beauté mystique, leur rareté, leur permanence étaient autrefois de véritables énigmes pour l’humanité. Dans un monde où les hommes vieillissent, où les fleurs se fanent et où le soleil disparaît le soir à l’horizon, les pierres fines seules restaient immuables. L’unique explication possible était qu’elles devaient être d’essence divine, et les gemmes ont ainsi toujours été liées au spirituel. C’est un héritage que l’on rencontre dans toutes les grandes religions – bouddhisme, judaïsme, christianisme, islam… Pour nos ancêtres, les pierres fines étaient beaucoup plus que de jolis colifichets, elles revêtaient une très grande importance : elles étaient des amulettes et des talismans dont on pensait qu’ils pouvaient avoir une influence sur le cours de notre vie.

Parallèlement à la mythologie, à l’histoire des pierres fines et à la science des gemmes, il est important de comprendre la signification culturelle des pierres. Les légendes sont une source d’informations d’une valeur inestimable, nous permettant de savoir comment nos ancêtres considéraient les gemmes et quelle signification ils leur attribuaient. Aujourd’hui encore, nombreux sont ceux qui croient aux « vertus guérisseuses » des pierres fines. Il est indéniable que certaines croyances « New Age » et les propriétés métaphysiques que l’on attribue aux gemmes sont fascinantes, mais n’oubliez pas qu’il existe très peu de preuves scientifiques permettant d’établir leur bien-fondé.

Les pierres fines se sont formées il y a entre trois milliards et plusieurs dizaines de millions d’années, dans les entrailles de la Terre. Quel chemin elles ont parcouru depuis ! Leur voyage commence à peu près au moment de la naissance de notre planète. Le plus ancien objet connu de notre monde est un minuscule fragment de zircon découvert en Australie occidentale et âgé de 4,4 milliards d’années. C’est particulièrement impressionnant, quand on pense que la Terre est née moins de 150 millions d’années auparavant !

Les pierres fines se sont formées dans trois types de roches différentes dans le sol terrestre, dans les environnements les plus divers :

  • Roche volcanique : Se forme par le refroidissement et le durcissement de magma ou de lave fondue (par exemple le basalte et le granit).
  • Roche métamorphique : Se forme suite à un processus de transformation physique de roches volcaniques, de roches sédimentaires ou d’autres roches métamorphiques, sous des chaleurs ou des pressions extrêmes.
  • Roches sédimentaires : Se forme suite au dépôt de sédiments (par exemple le grès).

Si certaines pierres fines peuvent se former dans plusieurs environnements différents, il reste malgré tout possible de distinguer quatre types de formation : dans les roches volcaniques et substances liquides (par exemple l’améthyste, l’émeraude, le grenat, le rubis et le saphir), via des modifications dues à l’environnement (par exemple l’andalousite, la kyanite, le lapis-lazuli, la tanzanite et l’œil de tigre), dans les roches de surface (par exemple l’agate, l’opale et la turquoise), et enfin la formation dans la croûte terrestre (par exemple le diamant et le péridot).

Dans l’antiquité, les pierres fines étaient habituellement découvertes par hasard, lorsqu’elles affleuraient à la surface de la Terre. Encore aujourd’hui, les pierres fines ne peuvent être découvertes que par l’observation et avec une certaine dose de chance. Comparée avec les méthodes scientifiques intensives utilisées pour l’extraction des diamants, l’approche employée pour les gemmes de couleur est particulièrement primitive. Si l’on fait abstraction de la mécanisation, l’extraction de ces gemmes est essentiellement la même qu’il y a des milliers d’années. La ténacité, les outils manuels et la sueur en sont les composants essentiels.

Le lieu où les pierres fines se trouvent s’appelle un gisement. Lorsque l’extraction commence, le gisement devient une « mine » ; toutefois, sur un seul gisement peuvent se trouver de nombreuses mines. La forme la plus courante d’extraction de pierres fines est l’exploitation alluvionnaire. Dans ce procédé, les pierres fines sont extraites de dépôts sédimentaires ; ceux-ci sont appelés « gisements secondaires », parce que les pierres n’apparaissent pas dans la roche où elles se sont d’abord formées. Ces gisements sont le produit de l’érosion de la roche mère. La prospection se fait dans le lit des rivières, dans les dépôts sédimentaires se trouvant dans le sol, et au fond des mers. Pour en retirer les gemmes brutes, le sol extrait est soit lavé avec de l’eau, soit tamisé. En général, les pierres brutes de dépôts alluvionnaires sont polies, et elles présentent des rayures et des fissures, du fait des conditions climatiques. Toutefois, on peut considérer que c’est avantageux puisque les spécimens de moindre valeur ont ainsi été éliminés naturellement. Comparativement à la très longue durée de sa formation, l’extraction d’une pierre fine et sa transformation en bijou s’effectuent relativement rapidement. Du moment de l’extraction jusqu’à son sertissage et à sa vente, trois ans s’écoulent en général – mais il peut arriver que ce même processus ne prenne que quelques mois, ou inversement plus de dix ans. La chaîne de livraison dans le secteur des pierres fines est longue, et il n’est pas inhabituel que, de la mine jusqu’au vendeur en passant par l’étape du sertissage, une pierre passe entre sept paires de mains. Dans son livre « Gemstones: Quality and Value, Volume 1 », Yasukazu Suwa écrit que le volume d’extraction des pierres fines annuel actuel représente environ 1/30e de la totalité de la production passée. Compte tenu du fait que les pierres extraites reviennent a priori tous les 30 ans sur le marché (approximativement), Suwa estime que ce volume annuel correspond environ à celui des pierres nouvellement extraites. Par ailleurs, on découvre encore de nouveaux gisements (la tourmaline Paraíba au Mozambique), et il arrive que les anciens sites reprennent la production (l’alexandrite russe). Rester informé sur les nouveaux sites et être au fait de l’offre actuelle vous aidera à prendre les bonnes décisions lors de l’achat. 

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